La figure du « petit propriétaire bailleur », que la moindre mesure de blocage ou de modération des loyers mettrait dans l’embarras financier, refait surface à chaque fois qu’une mesure en faveur du droit au logement est sur la table.
Rappelons pour commencer qu’un propriétaire bailleur est très généralement un multipropriétaire (il détient au moins son logement et un autre logement qu’il met en location). Par définition, ce capital immobilier qu’il détient le place déjà en-dehors des catégories pauvres.

    
La moitié des propriétaires bailleurs de Bruxelles mettent plus d’un logement en location. Ensemble, ces « bailleurs multiples » possèdent 80% des logement loués1!
    
Les propriétaires bailleurs sont sur-représentés parmi les classes aisées; tandis que les locataires le sont parmi les personnes vivant sous le seuil de pauvreté 2.
On doit aussi poser la question: être pauvre, c’est quoi ? Certains considèrent comme insuffisant un revenu mensuel de 3000 euros. Le revenu médian des ménages bruxellois est de 1750 euros par mois3 !
Le « petit propriétaire bailleur », celui qui ne met qu’un logement en location et dépend de ce loyer pour joindre les deux bouts, est bien loin d’être représentatif de l’ensemble des bailleurs. Il s’agit surtout d’une figure idéalisée, bien utile au syndicat des propriétaires pour critiquer toute avancée progressiste en matière de logement. Globalement, les propriétaires bailleurs de notre pays font partie des catégories aisées, voire très aisées, de la population4.
    
Certes, même si c’est statistiquement rare, il n’est pas impossible qu’un bailleur se retrouve dépendant du loyer qu’il perçoit pour vivre.
    
Faut-il au nom de cette situation exceptionnelle bloquer toute avancée vers le droit au logement
    
Deux éléments encore.
    
Un : Ce système qui nous met en concurrence les uns avec les autres, qui en encourage certains à ponctionner une partie du revenu des autres pour s’en sortir mieux eux-mêmes, nous pouvons et nous devons le contester. Le marché locatif crée deux classes dont les intérêts divergent – bailleurs et locataires – là où nous devrions être solidaires pour que toutes et tous accèdent enfin à un logement décent.
Par ailleurs, l’accès à la propriété privée est massivement soutenu par les pouvoirs publics. Pour les locataires, pratiquement aucune aide5.
    
Deux : Si un bailleur est à ce point dépendant du loyer qu’il perçoit, c’est qu’il a un problème de revenu ! Son salaire, son allocation de remplacement, sa pension est trop basse… comme pour beaucoup d’autres. Nous compatissons. Mais la solution est dans la lutte collective pour une société moins inégalitaire, pas dans la poche des locataires !
  1. Vous trouverez des explications sur ces données à la page 20 de l’analyse de l’observatoire de la santé et du social.   Ces données sont issues du travail de Julie Charles. Elles datent, mais jusqu’ici aucun autre accès au cadastre n’a permis leur actualisation.
  2. Vous trouverez un graphique très clair sur le site de l’IWEPS. 
  3.   Ce chiffre est issu des données de l’IBSA pour l’année 2017. Ce chiffre est celui des revenus après impôt par déclaration, donc quelque soit le nombre de personnes dans le ménage. Pour les déclarations d’isolés, la médiane est de 1250 euros par mois après impôt à Bruxelles.
  4. Vous trouverez un graphique très clair sur le site de l’IWEPS. 
  5. Il s’agit actuellement essentiellement du premier logement, néanmoins c’est une mesure inégalitaire. Pour en savoir plus, lire l’article de l‘Observatoire Belge des Inégalités
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